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Abou Jahjah et Azzouzi condamnés

22 décembre 2007

Pas de justice, pas de paix

« Pas de justice, pas de paix »

22.12.07

Par Mouedden Mohsin

Militant associatif mohsin.mouedden@gmail.com 0473.595.407

Un jugement politique ?

Le tribunal d'Anvers vient de condamner à un an de prison ferme, l'ex-président de la Ligue Arabe Européenne,   Dyab Abou Jahjah et le numéro deux, Ahmed Azzouzi pour ne pas avoir tenté de calmer les jeunes lors des révoltes d'Anvers en 2002.

Ce jugement paraît disproportionné et injuste, il reflète l'état d'esprit d'une certaine justice à deux vitesses.

La Ligue Arabe Européenne.

La Ligue Arabe Européenne a été fondée en 2000 par Dyab Abou Jahjah pour permettre aux jeunes « Allochtones » de s'émanciper tout en luttant pour leurs droits. Elle avait également un objectif international, à savoir soutenir des causes justes dans le monde arabe, ses manifestations pour la reconnaissance des droits inaliénables du peuple palestinien semblait être une de leurs priorités.   Cette organisation plutôt panarabiste (qu'islamiste) se voulait être un porte drapeau d'une nouvelle jeunesse en fracture identitaire. Elle estimait également que les discriminations et le racisme de la société belge (et notamment de la police et des politiques belges) étaient la cause   principale d'une situation déplorable dans les quartiers populaires.

A l'époque, elle avait suscité le rejet de toute la classe politique belge, tant néerlandophone que francophone suite à la constitution en 2002 (et après avoir pris connaissance d'un plan de police pour cibler des contrôles visant les marocains), d'une milice privée qui avait pour objectif de patrouiller pacifiquement et de manière citoyenne pour vérifier si la police ne commettait pas d'abus lors des contrôles d'identités de jeunes immigrés ou non.

Inutile de dire que la police Anversoise avait une fâcheuse réputation, certains éléments dit-on séduit fortement par les thèses des néo-fascistes pouvaient se laisser aller à des comportements peu chevaleresque.

Le racisme (in)acceptable

Rappelez-vous cette phrase de l'ex-ministre de l'intérieur Johan Van de Lanotte qui après les révoltes de Cureghem en 1997 déclarait à un média ceci : « le racisme est inhérent aux forces de l'ordre ! ». C'est d'ailleurs ce que reprochait la Ligue, le racisme d'une police anversoise visant en particulier les jeunes d'origines maghrébines.

A Anvers, 33% d'électeurs ont voté pour le Vlaams Blok avec un pourcentage de sympathisant encore plus élevé. Le commissaire de police Luc Lamin admettra courageusement que la police était fortement infiltrée par les militants d'extrême-droite. Il avouera aux médias qu'au moins un tiers de ses policiers sont des sympathisants du Vlaams Blok .

Rappelez-vous également de l'enquête criminogène en 2000, de « l'ex-chevalier » blanc (commission Dutroux) et Ministre de la justice Verwilghen sur le lien entre criminalité et jeune d'origines immigrées… L'enquête criminogène ne provoquera pas le tollé politique.

Cette période visée (2002) marquera un tournant, elle se situe juste après les attentats terroristes du 11 septembre 2001 ou le climat déjà délétère se détériorera sensiblement par une islamophobie galopante.

Le summum de cette situation déplorable sera l'assassinat d'une famille marocaine à Schaerbeek en mai 2002 par un sympathisant d'extrême droite : pleurs, discours politiques (plus jamais ça !!!), regrets, promesses…pour quelques mois plus tard, revivre un autre assassinat raciste, celui d'un professeur de religion musulmane, passé sous silence par les médias dès les premières révoltes à Anvers.

La plupart des médias (à par l'un ou l'autre) préféreront se focaliser sur les quelques actes de vandalismes et le rôle, dit-on « diabolique » joué par la LAE. C'est dans ce climat survolté et délétère ou certains parlementaires perdront un peu plus de leurs rationalités et crédibilités pour verser dans un maccarthysme édifiant. Il ne manquait plus que la Sainte Inquisition pour voir la tête de Dyab débouler sur la place publique. Torquemada n'avait qu'à bien se tenir…

Rarement depuis la seconde guerre mondiale, une diabolisation ne fût aussi violente, pas un jour sans mettre en avant le rôle « nauséabond, dangereux, criminel, mafieux » jouée par la LAE, nous vivions à cette époque pas si lointaine, une véritable hystérie collective.

C'est dans ce climat particulier que Dyab Abou Jahjah sera incarcéré une semaine afin dit-on de calmer les esprits. Il sera relâché dés la semaine suivante, la justice n'ayant trouvé aucune accusation crédible pour le condamner et l'incarcérer. A l'époque des Universitaires flamands rédigeront une pétition large pour condamner les dérives de notre état de droit et l'acharnement de la classe politique. Le journal le Soir publiera une enquête d'une page mettant en évidence le rôle mineur joué par Dyab Abou Jahjah lors des révoltes d'Anvers…

Le collectif pour le respect à la Démocratie, fondé à l'occasion et réunissant des dizaines d'acteurs associatifs organiseront une conférence de presse, pétition assez médiatisé… A sa sortie de prison, Dyab comprit comment un état, des médias comme à l'époque de Malcolm X ou de Mandela (l'idée n'étant pas de le comparer à ces monstres sacrés) pouvaient diaboliser et envoyer vers le néant des résistants aux revendications légitimes.

Un signal négatif pour les militants, l'interculturalité et les Droits de l'Homme.

Ce jugement est inquiétant, car il se base sur une affirmation non scientifique pour condamner deux militants associatifs. La justice estime qu'ils avaient une importante influence morale sur ces jeunes. Ils auraient donc pu tenter de calmer les esprits, ce qu'ils n'ont pas fait. Ils ont même, selon le tribunal, pousser la foule à se rebeller.

Ce verdict serait-il dicté par des considérations politiques ? C'est un très mauvais signal lancé à notre démocratie et à tous les citoyens désireux de militer pour alerter le monde politique sur des situations explosives : crimes racistes, discriminations, racismes à l'emploi, racisme structurel… En parallèle, il faudra plus de vingt ans pour enfin, condamner le Vlaams Block (et encore), décidemment le monde est mal fait.

Cette criminalisation a clairement pour objectif de lancer un message à toute personne qui voudrait mettre à mal des politiques injustes. N'invite t'on pas ainsi tout militant à rentrer dans les rangs ? De la démocratie, ne sommes-nous pas tout doucement entrain de passer au totalitarisme sous couvert de lutte contre le terrorisme ?

Hier c'était Roberto d'Orazio qui luttait pour des emplois menacés. Sémira Adamu, cette jeune nigériane assassinée étouffée par un coussin par des gendarmes pour avoir protestée lors de son embarquement. Le flicage et des écoutes illégales, de certains militants anti-mondialisation, l'emprisonnement d'un militant belge pour la défense des sans papiers qui se crût mourir dans sa cellule pour avoir dit-on « menacé un policier » devant un centre fermé. Récemment, Bahar Kymöngür, ce belgo-turque « vendu » au Pays-Bas pour être expatrié en Turquie et aujourd'hui criminalisé et passible d'emprisonnement pour avoir traduit un tract politique d'un mouvement d'opposition turc, dit « terroriste », et enfin, aujourd'hui, Dyab Abou Jahjah et son collègue de la LAE, pour ne pas avoir « calmé les esprits pendant cette révolte…», in-cro-ya-ble ! Cela se déroule bien, en Belgique, pays que le monde diplomatique considérait comme un état policier il y a quelques années.

C'est également un très mauvais signal pour l'interculturalité… l'intégration d'élus d'origines immigrés n'a pas tenu ses promesses. Il n'y a eu quasiment aucune plus value ou avancées (quelques exceptions néanmoins), pire, parfois ils sont des freins véritables, la tartine semblant être la priorité des élus, venus chercher néanmoins leurs voix dans les communautés d'origines immigrés : les mosquées, les snacks halals, les cafés et les associations... faut pas rêver, les voix, ok, mais porter des revendications, niet !

Les conditions des jeunes, se sont détériorées ces dernières années. Le social ayant endormi la conscience citoyenne par d'interminables activités abrutissantes sans queue ni tête ou le seul objectif étant de préserver la paix sociale. Triste et pathétique stratégie politique qui ne voit jamais plus loin que le bout de son nez, à quand des promesses véritablement sincères ? A quand une prise en considération des réelles attentes citoyennes ? A quand une révolution mentale et pacifique pour une société réellement égalitaire…Quel message négatif ce jugement inique…

Quel pays déplorable : Le président du Vlaams Belang invité dans les médias, courtisé et respecté et un président de la LAE, arabe, méprisé, détesté et condamné pour avoir affirmé que la société était raciste, ne voulant qu'améliorer le sort des jeunes avec maladresses certes, celle-ci n'est pas encore un crime, à moins que pour un arabe, parler et s'exprimer et en soi déjà une violence, à contrario, nous pouvons recevoir dans nos boites aux lettres des tracts fascistes, racistes et islamophobes sans provoquer une  « émotion » particulière...

Le politique ne se rend pas compte que ce type de posture là, se paiera dans les années à venir par une rupture définitive entre certains jeunes des quartiers et leur pays qui fait tout pour les exclure… de l'école normale et de qualité, de l'histoire, de la mémoire, de l'emploi, de l'embauche, d'un logement décent…Non, ce n'est pas une posture victimaire, c'est aujourd'hui et les enquêtes universitaires sont là, une réalité plate, un échec de nos politiques dites d'intégration ou plutôt de désintégration.

La condamnation de Dyab Abou Jahjah est une victoire pour l'extrême droite, les populistes, les adversaires de l'interculturalité. Les années à venir verront se radicaliser plus encore les militants d'origines immigrés ou non, avec le risque de revivre des situations similaires vécues en France en 2005. L'extrême droite poursuivra sur sa lancée, en Belgique, France, Suisse, en Europe, d'autant plus avec l'arrivée des pays de l'est… après 60 ans, voici le retour du populisme ultra droitier. On a rien compris, l'histoire repasse les plats, n'est-ce pas ? Nous savons qu'aujourd'hui être arabe, militant, subversif est plus dangereux qu'être un néo-fasciste ou président d'un parti raciste, ouf !

L'affaire : Une vaste blague ?

Pour en revenir au fond de l'affaire, faut-il rappeler que ces révoltes ont eu lieu suite au crime raciste d'un professeur de religion islamique, abattu de sang froid par un homme se réclamant proche du Vlaams Belang. La colère des jeunes aussi légitime soit-elle n'avait pas à exploser de cette façon, mais que dire à des jeunes frustrés par des non politiques, des discriminations, un racisme édifiant et l'assassinat d'un professeur de religion musulmane connu pour sa gentillesse et surtout un racisme structurel?

La justice reproche à Diab et à Azzouzi, d'avoir « attiser » les flammes, alors que le commissaire d'Anvers de l'époque avoue le contraire en mettant en avant le fait que Dyab avait tenté de calmer les jeunes, en soi le contraire de ce qu'avance la justice aujourd'hui, ne sommes nous pas au pays du surréalisme ? On ne peut pas suspecter l'inspecteur de sympathie envers la LAE.

Cette contradiction prouve à suffisance la volonté de diaboliser, de criminaliser et de condamner une association « Panarabiste » qui avait pour tort malgré ses maladresses et des attitudes subversives, de mettre en lumière le racisme d'une société qui parle d'égalité et de respect mais qui dans les faits est profondément inégalitaire et irrespectueuse de la diversité.

Il est aussi consternant de penser qu'au 21ème siècle, deux hommes peuvent être condamné en Belgique à un an de prison ferme pour ne pas avoir « calmer les esprits » lors d'une révolte…Etait-ce le rôle de la LAE ? Avait-elle cette mission auprès de notre gouvernement ? Ne revivons nous là, ce que les militants afro-américains ont vécus et endurés tout au long des années 60 : emprisonnement pour Martin Luther King, criminalisation de Malcolm X, assassinat de plus de trente membres des blacks Panthers par les forces de l'ordre américaine…

Non, cette condamnation est une farce, elle ne fait pas honneur à la démocratie, ni à notre pays communautariste à l'extrême.

« Pas de justice, pas de paix ».

L'heure est grave, notre pays perd la boule. La conscience citoyenne, académique, politique, scientifique, religieuse, culturelle et morale se doit de prendre position. Le slogan « pas de justice, pas de paix » est celui des mouvements de l'immigration des banlieues en France. La justice apporte la paix, l'injustice, le chaos.

A l'heure de la mondialisation, l'heure est venue de créer une solidarité des « dominés », une espèce de tri-continental au cœur de l'Europe tirée par le bas par une concurrence faisant le jeux des multinationales pour encore plus exploités la misère sociale et éteindre à terme toute contestation !

Ce vaste réseau de solidarité userait de tous les moyens légaux pour mener une résistance contre la pensée unique, le totalitarisme, le capitalisme sauvage et une société individualisée, lobotomisée qui se doit via la télé poubelle, « le boulot, métro, dodo », la complexité d'un arsenal législatif et juridique en défaveur du citoyen lambda, une opacité certaine du pouvoir, verser tout doucement vers ce que j'appelle l'uniformisation de la société vers une pensée conventionnelle, largement admise pour régner sur les manants, les gueux, les immigrés qui en bas de l'échelle sociale n'auraient à terme et devant des difficultés économiques, plus que le choix de baisser la tête, d'accepter la verticalité politique et économique d'un monde qui dérive dangereusement vers le big brother ou nos gênes et nos empreintes seraient et sont (déjà) scannés dans nos cartes d'identités pour à terme créer la société rêvée des puissants…

« We have a dream »

« Nous avons un rêve ». Martin Luther King, diabolisé par le pouvoir blanc avant d'être assassiné prouve à suffisance que même les plus progressistes sont et ont été un danger pour ceux qui possèdent, ceux qui exploitent, ceux qui abusent de leurs puissances…Nelson Mandela, également perçu comme un terroriste dans beaucoup de pays Européen et notamment en Grande-Bretagne avant son come-back exceptionnel. Ghandi, le marocain, Abdelkrim el Khathabi, l'algérien Abdelkader, les résistants anti-coloniaux…tous diabolisés, emprisonnés, bastonnés, enfermés, criminalisés, parfois assassinés…par les colonialistes, les dominants…Rien de nouveau, l'histoire doit nous aider à comprendre le présent pour ne plus refaire les mêmes erreurs et solidariser au plus vite nos énergies, au-delà de nos idéologiques, croyances, philosophies et religions…là, réside la force des manants, des gueux, des méprisés, face à un pouvoir qui a toujours des réflexes néo-coloniales, même en Belgique, même en 2007 !

Conclusion.

Ne faudrait-il pas au plus vite soutenir les « pestiférés » ? Non parce que nous sommes d'accord avec leurs objectifs, stratégies et méthodes, mais parce que notre état de droit, doit permettre à tout citoyen de pouvoir s'exprimer librement et pouvoir défendre ses idées, sauf si la justice estime que ses idées tombent sous le coup d'une loi anti-raciste (voir autres). Le cas qui nous occupe est totalement autre.

Les Droits de l'Homme sont bafoués par un acharnement qui semble avoir une visée politique. Si aujourd'hui, deux citoyens sont condamnés à un an ferme, pour ne pas avoir calmé les jeunes, imaginez ce qui risque de survenir dans quelques années, nous risquerons de perdre de plus en plus de droits, de retourner vers une société du passé, archaïque. Ne plus oser exprimer un point de vue contradictoire, être paralysé à jamais, rentrer dans le rang, accepter l'inacceptable par fatalisme, peur ou lâcheté, de faire de l'injustice notre lot quotidien, autant retourner vers certaines républiques bananières…C'est pour cette raison qu'il faudrait soutenir par écrit, via une pétition, carte blanche aux médias, interpellations politiques, rassemblements, communiqué de presse, actes citoyens et responsables les deux condamnés qui ont fait appel…

Cette affaire comme d'autres doit nous réveiller, nous insuffler l'énergie nécessaire pour apprendre à nous connaître au-delà de nos clivages. Quitter le « diviser pour régner », mis en application par le pouvoir…aller au-delà de nos préjugés, non pour construire un meilleur vivre ensemble qui n'est qu'un concept creux et intellectualisé, mais véritablement entreprendre un chantier généreux et ambitieux pour une nouvelle conscience citoyenne, humaine, réellement Universelle… A nous de l'entreprendre, à nous de le construire, au risque de se retrouver plongé d'ici peu dans le libéralisme sauvage du 19ème siècle… Le monde mérite mieux, il est beau, généreux, ensoleillé, A vous, à nous de jouer pour offrir le meilleur aux futures générations.

Fin

19.12.2002 

Quand le pouvoir embastille ceux qui lui déplaisent, la démocratie se délite !

Par Jean-Marie Dermagne, Avocat.


On s'acharne à tenter de diaboliser Abou JahJah. C'est sans se rendre compte que les processus de diabolisation ont généralement l'effet contraire de l'effet souhaité : les succès électoraux de Jean-Marie Le Pen en témoignent … Si la critique politique, la lutte idéologique et la dénonciation des dérives sont toujours saines, voire salutaires, dans une démocratie, en revanche, le pouvoir en place s'avilit lorsqu'il jette en prison ses adversaires au lieu de combattre leurs idées dans le cadre du débat public (ou en privant ces idées de pertinence par des mesures sociales, économiques ou politiques appropriées). L'arrestation et l'emprisonnement de la figure de proue de la Ligue arabe européenne, même si cela n'a duré que quelques jours, ressemblent fort à ces lettres de cachet qui, sous l'ancien régime, permettaient au roi de faire jeter en prison tout qui lui déplaisait. Certes, dans le cas qui nous occupe, l'arrestation a été requise par un procureur et décidée par un juge d'instruction mais c'était, à l'origine, sur injonction du ministre de la justice et sous les haros de l'ensemble de la classe politique. Le motif invoqué pour justifier le mandat d'arrêt (l'intéressé aurait provoqué une rébellion, des coups à agents et une entrave méchante (…) à la circulation) serait presque risible s'il ne camouflait une attaque insidieuse contre la liberté d'expression. Car se sont évidemment les prises de positions publiques, jugées (à tort ou à raison) dangereuses, qui seules expliquent son arrestation. La condition de ne pas participer à de nouvelles manifestations pendant trois mois, à laquelle a été subordonnée sa remise en liberté, a, elle aussi, de solides relents politiques. Au demeurant, personne n'est dupe : il est clair qu'en plus de ses positions anti-israéliennes et pro-irakiennes, c'est l'idée de la Ligue arabe européenne d'organiser des patrouilles chargées de surveiller les agissements de la police d'Anvers qui est jugée subversive et, à ce titre, insupportable. Le projet de présenter des listes aux élections, crime de lèse-majesté, a accru encore le scandale …

Ceux qui pensent que la stratégie et les méthodes de la Ligue arabe européenne peuvent faire le jeu de l'extrême droite doivent se garder de se mélanger à ceux qui veulent faire taire les membres de cette ligue (qui n'est encore qu'un groupuscule) ou faire peur à ses sympathisants (pour éviter la contagion) simplement pour éviter l'apparition d'un concurrent dérangeant sur le terrain électoral. Lorsque quelqu'un dont on ne partage pas les idées se fait museler ou emprisonner, chacun a tendance à fermer les yeux. On oublie que les armes utilisées contre lui pourront un jour se tourner vers d'autres cibles et frapper des personnes dont on se sent proche, des partis ou des syndicats auxquels on adhère. Vouloir criminaliser l'idée même que des citoyens ou des groupes puissent vouloir surveiller la police, afin de dénoncer des agissements racistes par exemple, c'est renier les fondements mêmes du régime démocratique sous prétexte de vouloir permettre à celui-ci de se protéger. Le contrôle citoyen relève du droit de résistance aux abus de l'autorité. Droit inaliénable qui est extrêmement précieux en période de crise et de tensions durant lesquelles le pouvoir est tenté de dénigrer ceux qui se dressent pour l'affronter et, si le dénigrement et le mépris ne suffisent pas, n'hésite pas à les criminaliser. Le procédé est vieux comme le monde. Roberto d'Orazio en a fait les frais lorsqu'il a fait relever la tête aux ouvriers de Clabecq victimes d'un véritable séisme social. Plus récemment, José Bové en France, et une quarantaine de militants anti-globalisation en Italie, ont connus les affres de la prison pour avoir dénoncé des risques planétaires en mettant publiquement en accusation l'ordre établi.

La condamnation de la violence, à tout le moins la violence physique, est légitime mais elle sert souvent de cache-sexe à la criminalisation des idées que le pouvoir en place juge subversives. Il ne faut pas se lasser de répéter que la liberté d'expression et de manifester ses opinions est sacrée. Elle a été proclamée comme telle lors de l'avènement de la démocratie moderne : la Déclaration des droits de l'homme de 1789 énonçait déjà que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ». Les idées et les opinions dont l'expression est protégée ne sont pas seulement celles qui plaisent ou qui sont inoffensives. Pas davantage celles que partage le plus grand nombre. Les idées subversives et minoritaires doivent aussi pouvoir être diffusées. La Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg ne dit rien d'autre lorsqu'elle affirme, comme elle l'a fait à plusieurs reprises, que la liberté d'expression « vaut pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent ». A l'adresse du porte-parole de la Ligue arabe européenne, j'ajouterai, paraphrasant Voltaire : même si je ne partage pas toutes vos idées, M. Abou Jahjah, et même si je devais les combattre, je me battrai pour que vous puissiez les exprimer.


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Abou Jahjah et Azzouzi condamnés
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